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Persistance du glyphosate dans l'environnement

Qu'est-ce que le Glyphosate ?


Le glyphosate est un herbicide qui a connu un grand succès commercial et demeure largement utilisé. Il suscite toujours la controverse en raison de ses répercussions sur l'environnement et la santé humaine. Mais d'où vient le glyphosate et comment fonctionne-t-il ?


À l'origine, le glyphosate a été synthétisé et breveté comme chélateur par le chimiste suisse Henry Martin en 1950. Bien qu'il n'ait pas été utilisé initialement comme herbicide, il est rapidement devenu évident que le glyphosate perturbait l’activité d’une enzyme essentielle à la "voie de biosynthèse du shikimate" en se liant au manganèse, bloquant la production d'acides aminés aromatiques et entraînant diverses perturbations métaboliques. En d'autres termes, le glyphosate tue les plantes, et il le fait très bien !


En 1974, le glyphosate a été introduit sur le marché par Monsanto comme désherbant non sélectif, notamment pour éliminer les plantes indésirables autour des lignes électriques et des voies ferrées et dans la production fruitière. Au cours des années 1990, Monsanto a introduit des cultures “Roundup ready” résistantes au glyphosate, permettant aux agriculteurs d’utiliser l'herbicide pendant la croissance des cultures. En raison de son large spectre, le Roundup est rapidement devenu un standard en agriculture, utilisé dans le monde entier depuis les années 90. Pour mettre les choses en perspective, en 2014, on estime que 747 millions de kg de glyphosate ont été appliqués sur le total des terres cultivées mondiales (soit 1,4 milliard d'hectares). Si ce volume de glyphosate avait été appliqué de manière uniforme, environ 0,53 kg de glyphosate aurait pu être pulvérisé sur chaque hectare de terres cultivées de la planète [1].



Quel est le problème alors ?


1) Plantes adventices résistantes aux herbicides

En raison de son efficacité, les agriculteurs ont eu de plus en plus recours au glyphosate, entraînant l'apparition de végétation envahissante résistante aux herbicides. En d'autres termes, bien que le glyphosate soit efficace sur la plupart des végétaux, il existe toujours une minorité d'espèces robustes qui survivent et se propagent, tandis que les espèces sensibles disparaissent [1]. Cela signifie que chaque année, des souches d'adventices de plus en plus résistantes occupent les cultures, de plus en plus difficiles à gérer.


Les adventices résistantes aux herbicides ne sont pas une nouveauté, et ont été observées dès les premiers herbicides synthétiques à partir des années 1950–1960. Cependant, le nombre de cas de résistance aux herbicides a augmenté de manière significative depuis (Fig. 1). Trente-huit espèces d' adventices ont maintenant développé une résistance au glyphosate, réparties dans 37 pays et dans 34 cultures différentes [3]. Lolium rigidum est reconnue comme la pire mauvaise herbe résistante aux herbicides dans le monde (Fig. 2), présente dans 12 pays et 9 régimes de culture couvrant plus de 2 millions d'hectares ; suivie par Amaranthus palmeri, Conyza canadensis, Avena fatua, Amaranthus tuberculatus, et Echinochloa crusgalli [4]. Afin de combattre ces mauvaises herbes résistantes, les agriculteurs ont tendance à augmenter la fréquence et l'intensité de l'application du glyphosate, ou à le mélanger avec d'autres types d'herbicides comme l'ALS (inhibant l'acétolactate synthase), et le paraquat. Malheureusement, le seul résultat obtenu en intensifiant l'application d'herbicides a été l’apparition d’une nouvelle résistance, à l'ALS et au paraquat cette fois [5].



Figure 1. Ray-grass italien résistant au glyphosate infestant un champ de maïs en Louisiane, USA.



Figure 2. L'augmentation du nombre d'espèces résistantes aux herbicides aux États-Unis, en Australie, en Argentine, au Brésil et au Canada, entre 1995 et 2015. Graphique tiré de Heap et Duke (2018).


2) Santé humaine et exposition au glyphosate

Une multitude d'études ont montré que l'exposition au glyphosate peut être nocive pour les humains [6]. Elle peut entraîner, entre autres, des perturbations endocriniennes, des problèmes respiratoires et de graves malformations congénitales. L'inquiétude s'est accrue depuis que le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l'Organisation mondiale de la santé a classé le glyphosate comme “probablement cancérogène pour l'homme” [7].


En même temps, les agriculteurs, ils ne sont pas les seuls touchés par le glyphosate, d'autant plus que ce sont eux qui l'utilisent. C'est loin d'être le cas. Les individus peuvent être exposés au glyphosate par diverses voies telles que les aliments et l'eau potable, tant dans le cadre professionnel qu'environnemental [8]. Par exemple, les tests de résidus de la UK-Food Standard Agency réalisés en octobre 2012 ont trouvé des résidus de glyphosate à, ou au-dessus de 0,2 mg/kg dans 27 des 109 échantillons de pain [9]. Les tests effectués par le ministère américain de l'agriculture en 2011 ont révélé des résidus de glyphosate dans 90,3 % de 300 échantillons de soja [10].


3) Le glyphosate se répand loin et reste longtemps en place

Des études récentes ont révélé que 45% des sols européens contiennent des résidus de glyphosate [11]. Un rapport de l'US Geological Survey qui a examiné des échantillons d'eau et de sol prélevés dans 38 États entre 2001 et 2010 a révélé que les résidus de glyphosate sont très répandus dans l'environnement, notamment dans les sédiments, les sols, les précipitations, les fossés, les drains, les rivières et les ruisseaux [12.] En effet, le glyphosate peut être transporté (Fig. 3) sur de grandes distances en raison de la lixiviation dans la nappe phréatique, du transport aérien par les gouttelettes lors de l'épandage, du transport des particules du sol par érosion éolienne ou par érosion hydrique, et du transport soluble par ruissellement [11,13,14]. Il est de plus très persistant dans l'environnement car il adhère rapidement au sol et se dégrade très lentement. Selon les caractéristiques physicochimiques et le climat, la demi-vie moyenne du glyphosate dans le sol varie de 2 à 197 jours [13]. Un lessivage important peut se produire en cas de fortes pluies, ou lorsque les sols sont sablonneux. Après l'adsorption, ces particules du sol peuvent véhiculer le glyphosate adsorbé encore plus loin, par ruissellement ou par érosion éolienne [11,13]. Finalement, ces particules atteignent l'eau (cours d'eau, lacs, mer), où la demi-vie moyenne du glyphosate s’étale de quelques jours à 91 jours [15].


Figure 3. Le glyphosate peut se disperser de diverses manières, notamment par le vent et l'eau. Image tirée et adaptée de Silva et al. (2018).


Que faire maintenant ?


Green PRAXIS étudie des alternatives pour gérer la végétation, notamment ce que l’on qualifie communément de “mauvaises herbes”, ainsi que des moyens d'assainir les surfaces contaminées par le glyphosate. Les prochains articles du blog traiteront du glyphosate et de la biodiversité, des implications financières de l'utilisation du glyphosate et des alternatives pour le contrôle des mauvaises herbes.



References


1. Benbrook, C. M. Trends in glyphosate herbicide use in the United States and globally. Environ. Sci. Eur. 28, 1–15 (2016).

2. Schütte, G. et al. Herbicide resistance and biodiversity: agronomic and environmental aspects of genetically modified herbicide-resistant plants. Environmental Sciences Europe vol. 29 1–12 (2017).

3. Heap, I. & Duke, S. O. Overview of glyphosate-resistant weeds worldwide. Pest Management Science vol. 74 1040–1049 (2018).

4. Heap, I. Herbicide resistant weeds. in Integrated Pest Management: Pesticide Problems, Vol.3 281–301 (Springer, Dordrecht, 2014). doi:10.1007/978-94-007-7796-5_12.

5. Peterson, M. A., Collavo, A., Ovejero, R., Shivrain, V. & Walsh, M. J. The challenge of herbicide resistance around the world: a current summary. Pest Manag. Sci. 74, 2246–2259 (2018).

6. Myers, J. P. et al. Concerns over use of glyphosate-based herbicides and risks associated with exposures: A consensus statement. Environmental Health: A Global Access Science Source vol. 15 1–13 (2016).

7. Guyton, K. Z. et al. Carcinogenicity of tetrachlorvinphos, parathion, malathion, diazinon, and glyphosate. Lancet Oncol. 16, 490–491 (2015).

8. Gillezeau, C. et al. The evidence of human exposure to glyphosate: A review. Environmental Health: A Global Access Science Source vol. 18 1–14 (2019).

9. UDECoPRiF. (PRiF) UDECoPRiF: Monitoring program. http://www.food.gov.uk/business-industry/farmingfood/pesticides. https://www.food.gov.uk/business-guidance/pesticides-in-food.

10. USDA. Agricultural Marketing Service . Appendix C Distribution of Residues in Soybean by Pesticide. Washington, D.C: U.S. Department of Agriculture; 2013. Pesticide data program annual summary, program year 2011. (2013).

11. Silva, V. et al. Distribution of glyphosate and aminomethylphosphonic acid (AMPA) in agricultural topsoils of the European Union. Sci. Total Environ. 621, 1352–1359 (2018).

12. Battaglin, W. A., Meyer, M. T., Kuivila, K. M. & Dietze, J. E. Glyphosate and its degradation product AMPA occur frequently and widely in U.S. soils, surface water, groundwater, and precipitation. J. Am. Water Resour. Assoc. 50, 275–290 (2014).

13. Bento, C. P. M. et al. Glyphosate and AMPA distribution in wind-eroded sediment derived from loess soil. Environ. Pollut. 220, 1079–1089 (2017).

14. Vereecken, H. Mobility and leaching of glyphosate: A review. Pest Management Science vol. 61 1139–1151 (2005).

15. Rueppel, M. L., Brightwell, B. B., Schaefer, J. & Marvel, J. T. Metabolism and Degradation of Glyphosate in Soil and Water. J. Agric. Food Chem.25, 517–528 (1977).

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