Les premiers cas documentés de plantes résistantes aux herbicides sont apparus dans les années 1970 [1]. Ce phénomène n'a cessé d'augmenter depuis lors. L'utilisation trop fréquente ou non réglementée d'herbicides favorise l'apparition de résistances [2] (image 1). Il est intéressant de noter que le phénomène de résistance est souvent signalé dans les zones de cultures résistantes aux herbicides. Les cultures résistantes aux herbicides permettent de recourir à des produits phytosanitaires sans impacter la culture d'intérêt, diminuant ainsi la rotation des cultures, l'intensité de la gestion, le labour et l'espace inter-rangs [3]. Cependant, dans certains cas très particuliers, la résistance aux herbicides peut être transférée par flux génétique de ces cultures aux mauvaises herbes [2].

Image 1. Le processus de sélection naturelle des plantes résistantes aux herbicides. Crédits : AgroTex Global 2021
Les mauvaises herbes résistantes aux herbicides, généralement des espèces de graminées telles que le ray-grass et le blackgrass, infestent les cultures céréalières. En Europe, près de 9 millions d'hectares de systèmes de culture de blé et de colza sont infestés d'adventices résistantes, 0,2 million d'hectares dans le cas du maïs, 0,14 million d'hectares dans le cas du riz et plus de 0,22 million d'hectares dans les cultures pérennes [1].
Le coût économique global de la résistance des mauvaises herbes aux herbicides est estimé à environ 215 € par ha au Royaume-Uni (image 2) [4]. De même, des experts américains ont estimé que, selon la région et la culture, le surcoût engendré par les plantes non cultivées résistantes aux glyphosate pouvait atteindre jusqu'à 230 €/ha. Ce surcoût est principalement dû à un recours accru à d'autres herbicides aux modes d'action différents de celui du glyphosate [3]. Au Canada, la résistance aux herbicides coûte aux producteurs jusqu'à 1 milliard d'euros par an en raison de l'utilisation accrue d'herbicides et de la diminution du rendement et de la qualité.

Image 2. L'impact de la résistance du chiendent aux herbicides. Crédits : Rothamsted Research 2019.
La pression exercée sur les utilisateurs d'herbicides a entraîné l'adoption d'herbicides appliqués avant l'apparition de la culture d'intérêt (herbicides de pré-levée), ainsi que le travail profond du sol, afin de réduire les risques d'apparition de résistances et de diminuer le nombre de graines dormantes dans le sol. Néanmoins, ces pratiques ont un impact négatif sur la vulnérabilité des sols à l'érosion, les émissions de dioxyde de carbone et le lessivage des pesticides [1].
Avec la poursuite des monocultures et l'utilisation généralisée de quelques herbicides, les cas de résistance ne peuvent qu'augmenter dans un avenir proche. Il est donc nécessaire de promouvoir la diversité dans les systèmes agricoles grâce à l'adoption de programmes de gestion intégrée des mauvaises herbes. Ces programmes encouragent des stratégies alternatives telles que 1) des outils de plantation et de culture innovants, tels que des équipements permettant de minimiser la perturbation du sol ; 2) la diversité dans la rotation des cultures, telle que l'inclusion de cultures d'été pour perturber les mauvaises herbes d'hiver ; 3) l'adoption de cultures de couverture pour améliorer la structure et le drainage du sol ; 4) la préférence pour des variétés de cultures plus compétitives ; et 5) l'amélioration de la performance des herbicides en ce qui concerne les méthodes d'application, la régulation des conditions d'application et la conception de bioherbicides qui peuvent réduire les risques de résistance [5].
L'utilisation de ces stratégies peut réduire la rentabilité nette des agriculteurs de 4 à 24 %, mais c'est loin d'être comparable au coût du développement d'une résistance à long terme [1]. Au Royaume-Uni, il a été estimé que la mise en œuvre de certaines de ces stratégies représentait la moitié du coût de gestion des mauvaises herbes résistantes et des rendements réduits (image 2) [4]. De même, en Amérique du Nord, des modèles économiques ont démontré que la gestion de la résistance réduit les bénéfices la première année de mise en œuvre mais les augmente les années suivantes. Pour le maïs et le soja, la gestion de la résistance s'amortit dès la deuxième année [6].
Les décisions relatives au contrôle des mauvaises herbes sont fortement influencées par l'économie et utilisent des systèmes qui favorisent les retours économiques à court terme facilement mesurables. Bien que la gestion proactive de la résistance ait un coût à court terme, elle améliorera certainement les bénéfices à long terme et les avantages pour l'environnement. GreenPRAXIS étudie des alternatives pour gérer la végétation, y compris le contrôle des mauvaises herbes, en utilisant notamment de nouveaux bioherbicides et l'ensemencement choisi.
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References
Peterson, M. A., Collavo, A., Ovejero, R., Shivrain, V., & Walsh, M. J. (2018). The challenge of herbicide resistance around the world: a current summary. Pest Management Science, 74(10), 2246-2259. DOI: 10.1002/ps.4821.
Délye, C., Jasieniuk, M., & Le Corre, V. (2013). Deciphering the evolution of herbicide resistance in weeds. Trends in Genetics, 29(11), 649-658. DOI: 10.1016/j.tig.2013.06.001
Carpenter, J. E., & Gianessi, L. P. (2010). Economic impacts of glyphosate-resistant weeds. Glyphosate Resistance in Crops and Weeds: History, Development, and Management, 297-312. DOI: 10.1002/9780470634394.ch16
Orson, J.H. (1999). The cost to the farmer of herbicide resistance. Weed Technology, 13, 607-611.
Harker, K. N., & O'Donovan, J. T. (2013). Recent weed control, weed management, and integrated weed management. Weed Technology, 27(1), 1-11. DOI: 10.1614/WT-D-12-00109.1
Livingston, M., Fernandez-Cornejo, J., & Frisvold, G. (2016). Economic returns to herbicide resistance management in the short and long run: the role of neighbour effects. Weed Science, 64 (S1), 595-608. DOI:10.1614/WS-D-15-00047.1